vendredi 18 avril 2008

Calendrier lagunaire



J’habite une blessure sacrée
j’habite des ancêtres imaginaires
j’habite un vouloir obscur
j’habite un long silence
j’habite une soif irrémédiable
j’habite un voyage de mille ans
j’habite une guerre de trois cent ans
j’habite un culte désaffecté
entre bulbe et caïeu j’habite l’espace inexploité
j’habite du basalte non une coulée
mais de la lave le mascaret
qui remonte la calleuse à toute allure
et brûle toutes les mosquées
je m’accomode de mon mieux de cet avatar
d’une version du paradis absurdement ratée
-c’est bien pire qu’un enfer-
j’habite de temps en temps une de mes plaies
chaque minute je change d’appartement
et toute paix m’effraie

tourbillon de feu
ascidie comme nulle autre pour poussières
de mondes égarés
ayant crachés volcan mes entrailles d’eau vive
je reste avec mes pains de mots et mes minerais secrets

j’habite donc une vaste pensée
mais le plus souvent je préfère me confiner
dans la plus petite de mes idées
ou bien j’habite une formule magique
les seuls premiers mots
tout le reste étant oublié
j’habite l’embâcle
j’habite la débâcle
j’habite le pan d’un grand désastre
j’habite souvent le pis le plus sec
du piton le plus efflanqué-la louve de ces nuages-
j’habite l’auréole des cétacées
j’habite un troupeau de chèvres tirant sur la tétine
de l’arganier le plus désolé
à vrai dire je ne sais plus mon adresse exacte
bathyale ou abyssale
j’habite le trou des poulpes
je me bats avec un poulpe pour un trou de poulpe

frères n’insistez pas
vrac de varech
m’accrochant en cuscute
ou me déployant en porona
c’est tout un
et que le flot roule
et que ventouse le soleil
et que flagelle le vent
ronde bosse de mon néant

la pression atmosphérique ou plutôt l’historique
agrandit démesurément mes maux
même si elle rend somptueux certains de mes mots

Aimé Césaire (1913 - 2008)


dimanche 30 mars 2008

Joie, joie, joie, pleurs de joie



.... comme disait Pascal (je l'avoue, à mes heures il m'arrive d'être un tantinet tentée par le jansénisme). Mais si , vous savez bien, le genre on n'est qu'une toute petite chose au milieu d'un truc immense et en même temps, qu'est-ce qu'il y a comme petites bêtes qui nous assaillent sans même qu'on s'en rende compte, et le silence éternel des ces espaces infinis effraie n'importe quelle individue normalement constituée - non, mon orthographe n'a pas de ratées, mais puisque de nos jours on dit auteure, je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas revendiquer le statut d'individue à part entière -
Rassurez-vous, je ne viens pas non plus faire ma B.A. du sidaction!


C'est que, voyez-vous, cette semaine est sorti le dernier disque de Bashung, et c'est bon de constater que tout ne se dégrade pas au fil du temps, qu'il y en a qui passent leur vie à s'améliorer.
En outre, pour cet opus, ce sont deux de mes idoles qui se sont pacsées, puisq
ue Manset fait du Bashung, à moins que ce ne soit Bashung qui fasse du Manset, mais de toutes façons l'accord est parfait.
Il y a aussi Gaëtan Roussel (Louise Attaque, Tarmak, ça vous dit au moins quelque chose, j'espère ?), qui n'est pas mal non plus habituellement, dans le genre jeu sur les mots et interrogations angoissées, voire embrouillées. Alors quand ils s'y mettent tous les trois cela donne "Je tuerai la pianiste"

Et quand ce sera fait
Que le jour sera levé
Sur le satin de ses méfaits
Comme une pierre soulevée
Où grouille la vermine
Dans le champagne et le caviar
Dans son manteau d'hermine
On pourra la voir
Le corps abimé
Au fond de sa baignoire
Blanche comme un lys

et moi, voyez-vous, il n'en faut pas plus pour me mettre en joie!

Le disque est un bon investissement, on a peu de chances d'entendre sur les ondes radiophoniques "Comme un Légo" qui ne fait pas moins de 9 minutes et des broutillles, et qui est une pure merveille! (je vous avais prévenu, je suis d'humeur extatique aujourd'hui).

Allez, un petit peu de sadisme ça fait du bien, (je cite
de tête Catherine Robbe-Grillet), je ne peux résister au bonheur de vous en mettre un morceau particulièrement d'actualité aujourd'hui!!







dimanche 16 mars 2008

Wakulla Springs State Park (North Florida)


Aujourd'hui, c'est dépayse
ment garanti.



Dans un coin de ma mémoire envahie de mousse espagnole, je garde ces paysages et tous ces oiseaux inconnus chez nous.

Cormoran à aigrettes


Ibis blancs
et aigrettes neigeuses



Petits hérons bleus



et surtout l'Anhinga d'Amérique, de la famille des cormorans, aussi appelé bird-snake (oiseau-serpent) parce qu'il vit beaucoup dans l'eau, et quand il nage on n'aperçoit que son long cou qui le fait ressembler à un serpent.

Qui a dit que la nature est bien faite?
L'anhinga ne possède pas de glandes secrétant d'huile pour lui permettre d'imperméabiliser ses plumes. Il est donc contraint d'attendre que son plumage ait séché avant de pouvoir s'envoler, et ressemble dans les arbres à une immense serpillère, tandis que plus bas rôde le prédateur...

L'alligator, roi de ces espaces marécageux.



vendredi 14 mars 2008

Salon du livre




Elle est arrivée chez moi par un jour de grand vent et d'arbres malmenés.
Dans la ruelle, les volets claquaient, et par moments s'enflait comme une vague immense qui retombait dans un grand souffle. Tout en regardant le lierre du voisin tenter de s'envoler, j'attendais la gifle d'écume...

Puis ce fut le silence....

enfin, pas vraiment, plutôt le rugissement des réacteurs de la navette qui m'emmenait vers Frighton.

Madame de K. a du style, et de l'imagination. Comme je ne suis pas critique littéraire, je ne vous décortiquerai pas la magie, mais comme moi, précipitez-vous sur Le chasseur de légendes, et les éditions Filaplomb qui publient des petites merveilles de 24 pages qui valent le détour.


jeudi 13 mars 2008





Sous le soir jaune et vert nous ne reviendrons pas
Le long du chemin creux qui penche vers Bilhère,
Faustine. Ni, du bois embelli de bruyère,
L'argile n'a gardé la forme de tes pas.

P.-J. Toulet (1867-1920) - Coples


mercredi 12 mars 2008

Météo



Par le froid d'un printemps tout triste, j'ai clos les lourdes portes
Dans le brûle-parfum des restes se consument encore tièdes.
Les hirondelles ne sont pas venues, les fleurs gisent toujours à terre,
C'est une cour de vent et pluie depuis le crépuscule.

Zhào Mèng Fu (1254 - 1322)


lundi 10 mars 2008

On n'arrête pas le progrès!!


Je ne suis pas de ces jeunes bec-tendres, nés avec le portable dans une main, (car avez-vous remarqué que l'option greffé-sur-l'oreille est déjà démodée, un portable étant dorénavant destiné à communiquer via inter
net), la souris dans l'autre, et les écouteurs vissés dans les ouïes.

Non. Moi, j'ai fait ma première boum avec un teppaz, et ce n'est que sur le (très) tard, que j'ai vu apparaître l'Amstrad - et encore, attention, le 464 - le 6128, c'était déjà de l'hyper-technologie, oui oui, comme on dit hyper-espace, excusez-moi du peu !

..... Dans le même ordre d'idée, j'ai connu le téléphone AVANT le cadran, mais ne sanglotons pas, eh oui ma brave dame, la terre continue de tourner, et nous ne rajeunissons pas!!!

C'est dire que j'ai démarré dans la blogosphère avec un certain handicap, et si vous ajoutez à cela une formation nettement littéraire (voui, voui, on appelait ça "faire ses humanités", et que les petits clones de notre (pas très) respecté Talonnette 1er aillent se rhabiller, cela n'avait rien de honteux, à cette époque) [Vous aurez remarqué, ce faisant, la dextérité, quasi mathématique, dans l'emploi de la parenthèse chez l'auteure de ce blogue - je traduis en français de France, version XXIè (siècle) - ]

- Ah ma brave dame, nous ne raj.....

Et pourtant, ayant contre toute attente réussi à maîtriser Deezer, la création de playlist à partir de fichiers téléchargés (qui a dit illégalement?), transférés, via mon portable, merci Nokia (slurp, slurp, z'avez vu c'k'il é bô j'en parle même le SMS maintenant!!), le tout en contournant vista, et ça, j'vous jure, c'est du sport!!!!!....

....La maison est donc heureuse de vous annoncer à partir de tout de suite, et jusqu'à dorénavant, une sélection musicale de grande tenue, renouvelée chaque jour (bon, enfin, peut-être pas TOUS les jours, faut pas pousser, à m'n'âge, le temps n'a plus vraiment d'importance)......